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mot de l'arrq | 9 OCT 2019

Campagne électorale fédérale : un début de victoire pour la culture


Dans deux semaines nous serons appelés à voter pour le prochain gouvernement fédéral au terme d’une campagne électorale assez terne et plutôt clientéliste. Aucun des partis n’a réussi à s’imposer sur des grands enjeux, y compris l’environnement. Il n’y a que le parti Conservateur qui fait cavalier seul sur cette question en se déclarant résolument propétrole afin de plaire à sa clientèle de l’ouest. Les quatre autres partis de centre et centre gauche que sont le parti Libéral, le parti Vert, le Bloc Québécois et le NPD essaient de se positionner comme les champions de cette cause sans réussir à vraiment se démarquer à ce sujet auprès des électeurs.

La situation est semblable en culture. Ces quatre mêmes partis veulent maintenant porter le flambeau de la culture canadienne devant les « géants du Web » car leurs plateformes électorales comportent énormément de similitudes en cette matière. Il faut célébrer ça comme une victoire pour l’ensemble du milieu culturel canadien qui s’est mobilisé au sein de deux coalitions dont fait partie l’ARRQ ; la Coalition pour la Diversité des Expressions Culturelles (CDEC) et la Coalition pour la Culture et les Médias (CCM) qui regroupe aussi les associations et syndicats des médias d’information. Ces deux coalitions s’étaient donné pour mandat de faire de « l’équité » pour les entreprises numériques un enjeu électoral et on peut dire que c’est mission accomplie, du moins, partiellement. Les cinq grandes formations politiques (j’exclus le PPC) ont promis d’exiger que les géants du web étrangers, les FAANG (Facebook, Apple, Amazon, Netflix, Google), contribuent financièrement à l’économie canadienne, au même titre que les entreprises nationales, en imposant leurs revenus au Canada et en payant la TPS, un virage à 180 degrés pour le parti Libéral et le parti Conservateur.

Quatre d’entre elles ont aussi promis de les faire contribuer à la production de contenu canadien.  C’étaient des demandes martelées par les coalitions culturelles bien avant la période électorale. On a donc raison de se « péter les bretelles » qu’elles soient enfin à l’agenda, bien que les vœux pieux de ces partis ne soient encore que des promesses. On l’a vu avec le gouvernement actuel, difficile de passer de la parole aux actes. Au lendemain de l’élection, ce seront les actions qui vont compter. On se rappellera que le gouvernement libéral a souvent clamé que tous les acteurs du système devaient y contribuer, mais il a multiplié les consultations et enclenché des processus de révision des lois qui n’ont semblé jusqu’ici que des moyens de gagner du temps avant d’agir.

Ce n’est qu’une victoire partielle aussi parce qu’aucun parti n’a osé suggérer la contribution des fournisseurs d’accès internet et des fournisseurs de télécommunication canadiens à la production de contenu. Au contraire, les partis fédéraux promettent plutôt de faire baisser les frais de télécommunication, ce qui augure mal si on veut imposer des obligations à leurs fournisseurs. C’est pourtant une demande récurrente du milieu culturel et médiatique que d’exiger des entreprises qui profitent largement de la diffusion de contenu culturel qu’elles y contribuent. On peut supposer qu’il est beaucoup plus payant politiquement de déclarer la guerre à des entreprises étrangères qu’à des entreprises de radiodiffusion et de télécommunication canadiennes. Gagner une bataille ne signifie donc pas que la guerre est finie. Chose certaine, le 22 octobre, le travail des coalitions culturelles ne sera pas terminé.

Bref, réjouissons-nous tout de même que quatre des six partis fédéraux (excluant le PC et le PPC) déclarent vouloir améliorer le financement de la culture à l’ère numérique. Et si on peut se féliciter que les coalitions aient pu placer ces enjeux dans l’échiquier politique à force de communiqués, de rencontres avec les partis, de pétitions et de campagnes publicitaires (https://sauvonsnotreculture.ca), il faut également souligner que nous avons été favorisés par la conjoncture politique.

En effet, les sondages placent libéraux et conservateurs nez à nez à l’échelle canadienne tandis que les Verts, le NPD et le Bloc se battent pour la balance du pouvoir et que ce sont les votes du Québec qui feront la différence. Comme il n’y a qu’au Québec que la culture ait une résonnance auprès de l’électorat, il ne faut pas s’étonner que les partis se soient pressés à nos portes pour nous annoncer la bonne nouvelle. La semaine dernière, Andrew Scheer annonçait à « Tout le monde en parle », qu’il allait imposer les géants du web, un énorme virage pour son parti qui a jadis inventé l’expression « taxe Netflix » pour éviter d’imposer ce géant en faisant peur aux contribuables. Puis, c’était le ministre sortant du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, qui se présentait en grande pompe au TNM pour annoncer que son parti allait non seulement imposer la TPS aux FAANG (Facebook, Apple, Amazon, Netflix, Google) mais qu’il allait imposer leurs revenus publicitaires à hauteur de 3%, damant ainsi le pion au Bloc Québécois qui promettait de militer pour cette mesure inspirée de la France.

D’autres promesses

Rodriguez annonçait du même souffle qu’il allait augmenter le budget de Téléfilm Canada de quelque 50%, à coups de 50 millions par année (une mesure qui répond à un lobbying actif des producteurs et qui a été appuyée par l’ARRQ) et qu’il réviserait les lois sur la radiodiffusion et les télécommunications dès la première année d’un nouveau mandat libéral. Le soir même, au débat des chefs de TVA, Jagmeet Singh a dû prononcer le mot culture des dizaines de fois. La plateforme électorale de son parti affirme également qu’il imposerait les FAANG (Facebook, Apple, Amazon, Netflix, Google) en plus de les obliger à contribuer à la production de contenu canadien dans les deux langues officielles en même temps qu’il promet d’augmenter le budget de Radio-Canada. Le Bloc Québécois va dans le même sens et promet aussi de demander une augmentation du budget du Conseil des Arts, de Téléfilm ainsi que d’abolir la TPS sur les livres. Je passe sur leur idée de créer un « CRTC québécois », un concept qui ne pourrait exister que dans un Québec souverain. Enfin, le parti Vert, dont la cheffe n’a pas été invitée au débat de TVA, se joint aussi à ce mouvement d’imposition des FAANG tout en promettant d’augmenter les budgets de toutes les institutions fédérales incluant Téléfilm, le Conseil des Arts et l’ONF, la grande oubliée des autres formations politiques.

Face au scrutin du 21 octobre, il est donc permis d’espérer quand quatre des grands partis se déclarent amis de la culture, et ce, même si nous devions nous retrouver avec un gouvernement minoritaire. Seul le parti Conservateur fait ombre au tableau quand on sait que ses grands ténors considèrent que les subventions à la culture ne sont qu’un gaspillage d’argent et qu’ils réclament ad nauseam de baisser les budgets de Radio-Canada quand ce n’est pas de carrément les faire disparaître. On se doute bien où ils pourraient décider de couper quand ils promettent d’équilibrer le budget d’ici cinq ans tout en baissant les impôts.

Je n’irai donc pas jusqu’à vous dire pour qui voter, les possibilités de vote sont assez larges pour qui s’intéresse à la culture, mais je serais tenté de vous dire pour qui ne pas voter !

Sur ce, je vous souhaite de gagner vos élections.

Gabriel Pelletier, président de l’ARRQ

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