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mot de l'arrq | 5 MAI 2021

PENDANT QUE LE FONDS DES MÉDIAS DU CANADA DIT NON AUX RÉALISATEURS, TÉLÉFILM DIT OUI


PENDANT QUE LE FONDS DES MÉDIAS DU CANADA DIT NON AUX RÉALISATEURS, TÉLÉFILM DIT OUI

Dans la perpétuelle valse des consultations auxquelles l’ARRQ a répondu cette année, celles du Fonds des médias du Canada (FMC) et de Téléfilm Canada sur la révision de leurs programmes ne pouvaient être plus différentes.

Du côté du FMC, on ne parlait que d’argent; en fait, des meilleurs moyens de vendre notre « contenu » sur le marché mondial. À peu près nulle part on n’y mentionnait la valeur culturelle de nos œuvres télévisuelles ni des défis reliés à leur création. En réalité, cette consultation s’adressait d’abord et avant tout aux diffuseurs et aux producteurs et on y a invité les syndicats d’artistes par politesse, sans vraiment écouter leurs doléances. D’ailleurs, il est indicatif que le FMC ait refusé nos demandes répétées de rendre les réalisateurs admissibles à son programme de « premières étapes de développement », actuellement ouvert aux scénaristes sans producteur ou aux producteurs sans diffuseur. Au FMC, on nous a dit clairement que les réalisateurs n’ont aucun rôle à jouer dans le développement, et ce, sans égard au fait que la majorité des documentaristes sont au départ de leurs œuvres. C’est fort dommage puisque la seule question posée par le FMC concernant la création était à savoir si on devrait augmenter le financement du développement. Bien qu’on n’ait pas encore annoncé le résultat de ces consultations, on se doute d’ores et déjà que si la réponse était positive, les réalisateurs en seraient exclus.

Du côté de Téléfilm Canada c’est pratiquement le contraire. L’institution a franchement remis en question ses programmes et leurs critères d’évaluation, y compris l’« indice de réussite », surtout orienté sur les succès de box-office. Elle a été à l’écoute de l’ensemble des intervenants de l’industrie, y compris les créateurs.

Dans les recommandations qui en ont résulté, Téléfilm accorde une grande valeur à la culture puisqu’on abolit « l’indice de réussite » pour juger de la performance de l’institution et de celle des compagnies de production en remplaçant l’indice par deux critères : « l’engagement des auditoires » et la « résonance culturelle ». Ainsi, on ne valorisera plus uniquement le succès commercial, mais on reconnaîtra aussi que certains films atteignent des auditoires plus ciblés et ont un rayonnement culturel, que ce soit en festival ou autrement.

Au financement des productions, il y a donc abolition du volet de financement automatique basé sur l’indice de réussite pour les producteurs ayant les meilleurs box-offices. Téléfilm démocratise le financement en faisant appel uniquement à un volet sélectif. On va aussi créer des jurys de pairs qui auront voix au chapitre en conjonction avec celle des analystes de Téléfilm.

Tout ça aura pour effet de mettre de l’avant les aspects créatifs des projets de films soumis en production, notamment l’approche de réalisation et le scénario. On tiendra compte du parcours des réalisateurs, peu importe dans quel média ils ont œuvré auparavant, que ce soit en Web, en télévision ou au cinéma.

Le retour vers des critères créatifs dans la sélection des projets en production constituait l’essentiel des demandes des réalisateurs de l’ARRQ et de la DGC et c’est donc une excellente nouvelle de ce côté.

Quant au financement du développement, les nouvelles sont peut-être un peu moins bonnes, car Téléfilm impose aux producteurs de financer eux-mêmes une plus grande partie du développement. On pourrait donc se retrouver avec une baisse de financement de ce côté. Ainsi, contrairement à la phase de production, on abolit entièrement le volet sélectif du programme de développement et on établit un volet « pré-qualifié » pour les compagnies qui ont tourné des films dans les trois années précédentes. On accordera des enveloppes selon leur classement, enveloppes calculées à un ratio revenus bruts (toutes sources confondues) sur budget de production. Les compagnies les mieux cotées auront une enveloppe de 75 000$, les autres des enveloppes de 50 000$ ou de 25 000$ tandis que les compagnies n’ayant jamais tourné de films ou qui n’ont tourné aucun film pendant les trois dernières années n’auront rien.

Dans l’ancien système, la vingtaine de compagnies qui disposaient du financement automatique en développement disposaient d’enveloppes de 200 000$ pour leurs projets. Les autres pouvaient concourir pour du financement au volet sélectif. De nombreux petits producteurs qui ne disposaient pas de financement automatique ont crié à l’injustice. Désormais, on va attribuer une forme de financement automatique (pré-qualifié) à un plus grand nombre de compagnies (environ 125), mais en donnant à chacune moins d’argent. C’est la même confiture étalée plus largement. Et pour les compagnies qui ne se qualifient pas, aucun espoir de se rabattre sur un volet sélectif.

Je prédis que ça va grincer des dents chez de nombreux producteurs; à la fois chez les privilégiés de « l’indice de réussite » qui ont perdu leurs grosses enveloppes, chez ceux qui vont recevoir des enveloppes, mais qui les trouveront trop petites et chez les producteurs de la relève qui n’ont pas encore tourné de films, mais qui n’auront pas un sou pour en développer.

Seules les compagnies dirigées par des autochtones ou des personnes issues des communautés marginalisées disposeront d’un volet sélectif de développement, car on leur a réservé des fonds. L’heure est à la diversité.

Enfin, pour terminer sur une note positive pour les réalisateurs, ceux-ci pourraient peut-être bénéficier d’un nouveau programme de développement destiné au « bouclage des projets ». En effet, les projets arrivés en fin de parcours de développement seraient éligibles à des fonds pour attacher tous les fils avant le dépôt en production. On peut supposer que des frais associés à ce qu’on appelle la « pré-préproduction » pourraient y être admissibles tels que du pré-casting ou du pré-repérage en vue du « pitch » aux institutions. On peut espérer que les réalisateurs qui travaillent à ce genre de préparation puissent toucher des cachets décents pour ce travail souvent peu ou pas rémunéré. Mais les détails de ce programme ne sont pas encore publiés et ce ne sont pour l’instant que des espoirs. C’est donc une histoire à suivre.

-- Gabriel Pelletier, président

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