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Avis de consultation CRTC 2017-359 - Phase 1

mot de l'arrq | 25 AVR 2017

Étude sur la pratique du métier de documentariste : les documentaristes sont les premiers menacés

Jeudi dernier, le comité documentaire de l’ARRQ dévoilait dans nos locaux la première partie de l’étude intitulée « Le métier de documentariste : une pratique de création menacée ? ». Cette étude commanditée par l’ARRQ en partenariat  avec le Service aux collectivités de l’UQAM nous permet dans un premier temps de dégager des statistiques rigoureuses sur la pratique de la réalisation documentaire. Cent quatre-vingts réalisateurs et réalisatrices ont accepté de répondre à un questionnaire détaillé pour documenter leur situation et celle de leur pratique. Et ce que ces statistiques nous disent, ce n’est peut-être pas tant que la pratique du métier est menacée, comme le laisse entendre le titre de l’étude, c’est plutôt que ce sont les documentaristes eux-mêmes qui sont menacés.

Quelques chiffres pour s’en donner une idée. Pour les documentaristes interrogés, les revenus provenant de la réalisation documentaire représentaient en moyenne annuelle un maigre 23 153 $ pour les hommes et seulement 15 798 $ pour les femmes. La majorité doit donc pratiquer un autre métier pour atteindre un revenu moyen de 39 391 $, ce qui n’est pas une panacée considérant que 75% possèdent un diplôme universitaire. Ce faisant, ils se trouvent à financer eux-mêmes leurs créations puisque seulement 53% de leur travail en documentaire a été rémunéré et qu’ils ont assumé entre 26% et 34% des dépenses de frais de recherche et création, de représentation, de déplacement, de documentation, d’achat ou de location de matériel et de soumissions aux institutions et aux festivals. Il est également démontré que les femmes assument plus de dépenses que les hommes. De plus, au cours des huit dernières années, chaque documentariste a assumé les dépenses de 4,2 projets qui n’ont jamais pu voir le jour.

Avec toutes ces dépenses, on se demande ce qu’il leur reste pour vivre. On pourrait souhaiter que les revenus des conjoint-e-s puissent combler le manque à gagner au sein de leurs familles, mais il appert que le revenu personnel des documentaristes représente 51% du revenu familial pour les hommes et 71% pour les femmes ; une situation financière familiale qui peut s’avérer précaire, particulièrement pour les femmes encore une fois. D’ailleurs, pour un grand nombre de documentaristes, dont une majorité de femmes, le choix qui s’impose est souvent le choix entre pratiquer le métier de réalisateur documentaire ou avoir des enfants (38% des femmes et 32% des hommes).

Enfin, leur protection sociale n’est guère plus reluisante puisque moins de la moitié des répondants étaient couverts par un régime de santé autre que l’assurance-maladie du Québec. Parmi ces « privilégiés » ayant une couverture, c’était soit qu’ils avaient la chance d’être couverts par le biais de leurs conjoint-e-s ou la chance de signer des contrats régis par une entente collective de leur association professionnelle, notamment l’ARRQ. Quant au régime de retraite, seulement 35% des hommes et 28% des femmes avaient réussi à cotiser au cours de la dernière année. Encore là, on peut supposer qu’une majorité avait eu la chance de signer un contrat régi par leur association et que leur producteur y avait contribué. Beaucoup ne peuvent tout simplement pas envisager de prendre leur retraite un jour.

Devant des chiffres aussi consternants, il n’est pas étonnant  qu’une très forte proportion des documentaristes affirme avoir déjà songé à abandonner leur métier (59%, dont 69% de femmes et 49% d’hommes). Car en bout de ligne, si on est réalisateur de documentaire ça ne peut être que par amour du métier, pas pour gagner sa vie.

Ces statistiques nous ont évidemment interpellés à l’ARRQ, comme ils devraient interpeller l’ensemble du milieu. D’abord, si on appréhendait que les résultats soient consternants, ils sont pires que ce qu’on appréhendait car la situation se détériore (je vous fais grâce des chiffres sur les conditions de tournage).

Mais nous avons été encore plus surpris de constater la situation des femmes qui oeuvrent en documentaire. Elles sont les plus défavorisées parmi une classe déjà défavorisée et cette constatation ne manquera pas d’alimenter le débat sur la parité que nous allons continuer de soutenir en compagnie des Réalisatrices Équitables.

Un autre constat qui nous a sauté aux yeux c’est que la ligne de démarcation socio-économique entre les RÉALS qui font du documentaire n’est pas que genrée, elle est plus grande encore entre ceux qui s’autoproduisent et ceux qui signent des contrats avec des producteurs avec qui nous avons des ententes collectives, principalement en télévision. Une réflexion s’impose à l’ARRQ puisque la Loi sur le statut de l’artiste nous confère une reconnaissance à titre de syndicat d’artistes afin de négocier des conditions d’emploi pour les RÉALS engagés par des producteurs. Mais comment peut-on améliorer les conditions des RÉALS qui s’autoproduisent quand les institutions subventionnaires ne leur accordent même pas les moyens de se payer un salaire ?

La réponse est sans doute contenue dans la question… et dans la seconde partie de l’étude (encore à venir), justement consacrée à la recherche de solutions.

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