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Examen de la législation en radiodiffusion et en télécommunications

mot de l'arrq | 21 NOV 2018

JOURNÉE MONDIALE DE LA TÉLÉVISION : EST-CE VRAIMENT LE TEMPS DES RÉJOUISSANCES?


En 1996, l’UNESCO déclarait qu’annuellement le 21 novembre devenait la Journée mondiale de la télévision.  Elle reconnaissait alors l’importance de la télévision en tant que « premier moyen de communication et passage normal de l’information de masse ».  Mais où en sommes-nous plus de 22 ans plus tard?  Y a-t-il toujours lieu de célébrer la télévision?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’industrie de l’audiovisuel est en grand questionnement quant à l’avenir de notre télévision. Elle est même animée d’un sentiment d’urgence qui fait appel à des actions rapides et majeures pour réagir face à la transformation des habitudes de consommation des Canadiens. Comment contenir l’impact de l’internet sur la rémunération des créateurs, sur les modèles d’affaires des entreprises du secteur de la radiodiffusion? Comment continuer à supporter le financement de productions face à une compétition qui joue sur notre terrain sans aucune obligation? Comment s’assurer que nos contenus culturels soient vus et performent dans cette vague immersive de contenus étrangers? Plusieurs initiatives se sont mises en branle pour trouver des solutions face à de grands bouleversements qui vont beaucoup plus vite que les moyens à mettre en place. 

En mai dernier, le CRTC déposait son rapport (Emboîter le pas au changement) sur l’avenir de la distribution de la programmation canadienne. Il brossait un portrait du marché actuel et de l’orientation que celui-ci devrait prendre suite au basculement de la programmation vers l’internet.  Ce rapport recommandait notamment de revoir le cadre législatif qui détermine les droits et obligations de tous les acteurs du système (fournisseurs d’accès internet, services de téléphonie mobile, plateformes de services en ligne, etc.) et mettait la table pour l’examen des lois sur la radiodiffusion et sur les télécommunications. En septembre dernier, le gouvernement du Canada annonçait que cet examen serait mené par un groupe d’experts dont le rapport final est attendu au plus tard le 31 janvier 2020.  Un comité sénatorial s’est également donné le mandat de mener un examen semblable en parallèle.

Les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion sont notamment d’assurer la souveraineté culturelle ainsi que l’identité nationale. Cette loi établit également que des conditions permettant de faire évoluer la création et la diffusion de contenus canadiens doivent être mises en place. La consolidation de ce système s’appuie sur une règlementation sous-jacente qui s’assure qu’une partie des revenus de la consommation de contenus culturels par les Canadiens est réinvestie dans la production.  Toutefois, à partir du moment où l’intégration de plus en plus importante des plateformes dans le quotidien des Canadiens se fait sentir, cela requiert de revoir toute la base du fonctionnement de cette logique. Il est insoutenable que des acteurs majeurs puissent avoir des activités commerciales et diffuser du contenu sur notre territoire sans avoir d’obligation notamment quant à la règlementation qui s’applique au secteur, ni contribuer au système de financement des productions canadiennes, ni payer de taxe ou d’impôt.  Ces mégapuissances devraient aussi être soumises à des obligations de découvrabilité des contenus culturels canadiens et québécois.  Dans ce monde virtuel qui s’installe à la vitesse grand V, les données générées par les consommateurs canadiens valent de l’or. C’est en fait ce qui constitue la part importante de la valeur des entreprises qui opèrent en ligne. Ces dernières devraient donc faire preuve de transparence et dévoiler certaines données, ce qui n’est actuellement pas le cas.  L' accès à ces données permettrait de comprendre l’évolution du marché et d’être en mesure de le réguler. Nous sommes d’avis que la philosophie interventionniste des gouvernements a toujours bien servi le secteur et face à ce raz de marée, il faudra avoir le courage d’imposer une intervention musclée et rapide pour encadrer notre système de radiodiffusion canadien. Pourtant, il existe des défenseurs du libre marché qui prônent la dérèglementation de ces activités prétendant que les auditoires iront vers le contenu qui les intéresse et que le marché retrouvera son équilibre par lui-même.  C’est donc faire peu de cas des constats actuels. Les mégaentreprises de l’internet ne font de cadeaux à personne, elles réagissent seulement si elles sont contraintes de payer des taxes ou de contribuer à un système dont elles bénéficient. Elles ont les moyens de mettre en place des processus qui permettront aux contenus culturels canadiens et québécois de se faire découvrir et de rayonner.  À défaut d’imposer certaines exigences, nos contenus culturels se noieront dans un océan de productions, notamment dominé par des contenus américains bénéficiant de budgets mirobolants. Les instances politiques devront faire preuve d’audace afin de mettre en place des mesures de protection qui assureront la pérennité de notre système de radiodiffusion et de nos contenus audiovisuels.

Le 26 octobre dernier, l’ARRQ se joignait à l’AQTIS, la SARTEC et l’UDA et comparaissait devant le comité d’experts chargé de réviser la Loi sur la radiodiffusion, pour lui faire part de ses préoccupations. Un mémoire conjoint sera éventuellement déposé en janvier prochain.  Nous sommes toujours dans l’attente d’une date de comparution devant le comité sénatorial.

Nous devons continuer de croire en notre télévision qui nous ressemble même si elle risque éventuellement d’être consommée sous une forme différente.  Nos contenus audiovisuels sont innovants, font preuve de créativité et de qualité. Ils sont le reflet de qui nous sommes et nous pouvons en être fiers.

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