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mot de l'arrq | 21 OCT 2022

Radiodiffusion : Une bataille gagnée. Une autre qui s’éternise

Il y a à peine un mois, l’ARRQ et ses partenaires de l’audiovisuel célébraient une victoire sur la scène politique fédérale. En effet, le président sortant du CRTC Ian Scott nous avait laissé un cadeau empoisonné avant d’amorcer sa sortie. Mais la mobilisation des syndicats d’artistes et des associations de producteurs est parvenue à neutraliser le poison.


C’est à l’occasion du renouvellement de la licence de diffusion de la CBC/ Société Radio-Canada, que le CRTC présidé par Scott avait retiré l’ensemble des obligations qui visaient les productions indépendantes, de la programmation locale, ainsi que les exigences de diffusion de programmation en français destinée aux enfants et aux jeunes. En fait, la SRC avait pratiquement carte blanche pour diffuser ce qu’elle voulait et sur les plateformes qu’elle voulait en incluant ses diffusions sur les plateformes numériques alors même que celles-ci ne sont toujours pas règlementées par le CRTC. L’adoption du projet de loi C-11 qui doit les règlementer se fait toujours attendre.  


Cette décision avait le potentiel de s’avérer catastrophique pour les RÉALS car la SRC avait alors tout le loisir de réduire le déclenchement de productions indépendantes francophones sur la télé traditionnelle et compenser (ou pas) par des productions destinées à ses plateformes numériques avec des budgets traditionnellement beaucoup moindres. La justification de cette décision, selon le président du CRTC, étant que Radio-Canada avait toujours respecté ses obligations alors pourquoi continuer à lui en imposer? Mais sans même juger de la bonne foi de Radio-Canada, un plus grand danger guette notre industrie. Car en abolissant les obligations de notre diffuseur public, comment ne pas s’attendre à ce que les diffuseurs privés réclament la même chose et qu’on assiste à une éventuelle dérèglementation de tout le secteur? Des pans entiers de notre culture audiovisuelle pourraient ainsi disparaitre au profit d’émissions plus populaires ou moins coûteuses.


Cette décision, controversée au sein même du CRTC où deux commissaires se sont inscrits en faux, n’a pas tardé à faire réagir les associations culturelles, dont la nôtre.  Seize demandes écrites d’appels au « gouverneur en conseil » (essentiellement le conseil des ministres) pour renvoi de la décision ont été soumises, incluant la demande conjointe de l’ARRQ, AQTIS-IATSE 514, SARTEC et UDA. Le gouvernement nous a entendus et le gouverneur en conseil a renvoyé la décision au CRTC pour qu’il refasse ses devoirs sous la recommandation du conseil des ministres :


Suite à ces demandes, le gouverneur en conseil s’est dit « convaincu que cette décision [du CRTC] ne va pas dans le sens des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion.


Il conclut son renvoi pour réexamen en se disant d'avis qu'il est essentiel que, dans le cadre de son réexamen et de sa nouvelle audience, le Conseil étudie comment s'assurer que la Société Radio-Canada, à titre de radiodiffuseur public national, continue à contribuer de façon importante à la création, à la présentation et à la dissémination de nouvelles locales, d'émissions pour enfants, d'émissions originales en langue française et d'émissions produites par des producteurs indépendants. »


Pendant ce temps une autre bataille se poursuit à Ottawa


Parlant d’appel au gouverneur en conseil, cela m’amène à vous donner des nouvelles de la saga de la révision de la Loi sur la radiodiffusion (C-11) qui en est rendue à l’étape de l’étude au Sénat. Le maintien de la possibilité de faire appel au gouverneur en conseil fait justement partie des demandes d’amendement au projet de loi que nous faisons en compagnie des associations culturelles canadiennes réunies au sein de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC). Le projet de loi C-11 dans sa forme actuelle, abolit la possibilité de faire appel des décisions du CRTC au gouverneur en conseil. Or, nous venons de voir quelle importance cette possibilité de faire appel a pour nous. D’ailleurs, les deux fois dans les dernières années où des appels ont été entendus, c’était à l’initiative d’associations francophones.


Également, nous réclamons la possibilité d’intervenir en amont des décisions du CRTC par la tenue d’audiences publiques lorsque celui-ci accorde des licences et des ordonnances aux radiodiffuseurs et aux plateformes numériques.


Mais notre demande la plus fondamentale c’est de garantir que les plateformes de diffusion étrangères fassent appel aux créateurs canadiens que vous êtes quand ils produisent des émissions sur notre territoire. Il s’agit d’imposer les mêmes obligations aux plateformes numériques étrangères qu’aux entreprises canadiennes quand il est question de ressources humaines. C-11 est malheureusement moins exigeant avec les entreprises étrangères. À preuve cet extrait du paragraphe 3-1f :


« Les entreprises de radiodiffusion canadiennes: « sont tenues d’employer les ressources  humaines — créatrices et autres — canadiennes  et de faire appel à celles-ci au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, pour la création,  la production et la présentation de leur programmation… »


« Les entreprises en ligne étrangères sont tenues de faire appel dans toute la mesure du possible aux ressources humaines — créatrices et autres — canadiennes … ».


Les entreprises étrangères pourraient donc argumenter qu’il n’était pas « possible » d’engager un réalisateur ou un artiste canadien pour tourner une émission diffusée au Canada.


L’ARRQ vient d’être invitée à témoigner au comité sénatorial qui étudie le projet de Loi C-11. Nous allons donc leur souffler à l’oreille les amendements qui nous tiennent à cœur et qui imposent plus particulièrement des obligations aux entreprises telles que Google (YouTube), Amazon, Netflix et autres géants médiatiques qui s’opposent en bloc à la règlementation, en se drapant derrière le concept d’une supposée « liberté d’expression ». Ils sont appuyés en cela par les forces conservatrices du Canada qui ont peu de considération pour la protection de notre culture. Nos adversaires dans ce débat sont de taille.


Après le sénat, le projet de loi retournera au parlement qui aura le dernier mot avant son adoption. La bataille est donc encore loin d’être gagnée.


--Gabriel Pelletier, président
 

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