Dans le cadre de la consultation organisée par le gouvernement fédéral relativement à l’intelligence artificielle générative dans le contexte précis du droit d’auteur, cinq associations professionnelles représentant près de 20 000 artistes québécois appellent à la prudence ainsi qu’à la transparence et revendiquent un cadre législatif protecteur.
L’ARRQ, ARTISTI, la GMMQ, la SARTEC et l’UDA participent activement aux travaux de consultation menés par le gouvernement du Canada tout en rappelant que depuis 2017 de nombreuses consultations entourant une révision de la Loi sur le droit d’auteur ont été menées et qu’elles s’attendent maintenant à ce que le travail aboutisse.
Aujourd’hui les associations sonnent l’alarme quant aux risques majeurs que pourrait représenter un développement de l’IA sans un encadrement adapté et rappellent l’importance que revêt une amélioration de la protection du travail des artistes.
Elles reconnaissent d’entrée de jeu que l’IA deviendra un incontournable dans bien des domaines et qu’elle sera un outil extraordinaire de recherche, de fouille de données et de génération de contenus. Cependant, elles rappellent que l’intelligence artificielle est, et doit demeurer, un outil entrainé par des humains.
« Nous demandons aux ministres François-Philippe Champagne et Pascale St-Onge de poursuivre leurs travaux de révision de la « Loi sur le droit d’auteur » en respectant ce grand principe : protéger efficacement les droits et le travail des créatrices et créateurs. En ce sens, aucune nouvelle exception ne devrait voir le jour pour permettre aux opérateurs de l’intelligence artificielle de contourner les droits existants », indique Chantal Cadieux, présidente de la SARTEC.
« Nourrir la bête »
« L’intelligence artificielle ne fonctionne pas sans entrainement. Dans le milieu culturel, pour l’alimenter et permettre son utilisation finale, c’est-à-dire procéder à des activités de fouille de textes et de données, il faut « nourrir » la machine de contenus existants. Autrement dit, il faut utiliser les œuvres originales écrites, réalisées ou interprétées par les artistes : des œuvres bien souvent protégées par le droit d’auteur. Cette protection doit se maintenir, intelligence artificielle ou pas », précise Luc Fortin, président de la GMMQ.
« Il est indispensable que chaque artiste puisse donner son accord ou non à l’utilisation de son travail comme matière première de l’entrainement d’une intelligence artificielle. En cas d’utilisation, une compensation juste et équitable doit lui être versée », ajoute Tania Kontoyanni, présidente de l’UDA.
« L’utilisation de l’IA générative impacte les artistes interprètes d’une manière particulière, allant au-delà du droit d’auteur car lorsqu’on reproduit leurs prestations, on reproduit souvent leur voix et leur image. Les « deep fakes » les préoccupent aussi au plus haut point, parce qu’ils font croire qu’un artiste a fait ou dit quelque chose alors qu’il n’en est rien. Il faut des mesures pour garantir que l’autorisation des artistes interprètes soit obtenue avant toutes utilisations de leurs prestations, leur voix, leur image ou leur ressemblance », souligne France D’Amour, présidente d’ARTISTI.
Pas d’humain, pas d’œuvre
Il nous parait inconcevable que les nouveaux contenus, générés par une intelligence artificielle bien entrainée, puissent bénéficier du statut d’œuvres protégées par la « Loi sur le droit d’auteur ». Nous souhaitons qu’une modification à la Loi rappelle qu’un auteur, dans ce cadre législatif, est obligatoirement un être humain. Il n’y a pas d’œuvre sans humain.
« Est-il nécessaire de rappeler, pour une démocratie comme la nôtre, l’importance fondamentale de garantir la bonne vitalité du secteur culturel? En l’absence d’un cadre protecteur clairement établi, il est facile d’imaginer les dérives possibles de ces technologies et de leurs propriétaires et leurs impacts sur, d’une part, le travail de nos artistes, et d’autre part sur les industries créatives », conclut Gabriel Pelletier, président de l’ARRQ.